Autour…

Avec… Pierre Buraglio

Qui connaît le travail de Buraglio depuis longtemps sait que, chez cet artiste, la diversité formelle est le masque sous lequel se cache une constante dans les visées et les procédures. Ainsi, pour le dire de façon un peu rapide’, des Agrafages des années 60 aux dessins d’après des années 80-90, un même principe était à l’œuvre : celui d’une relève de l’histoire de la peinture. Autrement dit d’une reprise critique de la tradition : ses travaux se présentant à la fois comme dans le prolongement de l’histoire de la peinture, mais dans un prolongement passant par l’usage de moyens triviaux, délibérément a-picturaux. Œuvres faites à partir de lambeaux de toiles détruites agrafés ensemble dans les Agrafages, tableaux mimés par des matériaux de récupération dans les Fenêtres, espace pictural instauré par des paquets de cigarettes dans les Assemblages, ou par des rubans de masquage récupérés chez un carrossier dans les Masquages… Pour Pierre Buraglio, la peinture « s’édifie sur ses propres ruines », et le matériau utilisé devait, jusqu’à présent, être à la fois le moyen de sa persistance et le signe même que toute croyance en une perpétuation naïve de la tradition de la Grande Peinture était vouée à l’échec.
Buraglio, c’était donc une chose admise jusqu’à en devenir un cliché, était considéré comme « un peintre sans pinceaux ». Quelqu’un dont les travaux, véritables critiques en acte, offraient à l’histoire du tableau un prolongement moderne : celui dans lequel l’art persiste en faisant de l’autocritique le mouvement, si ce n’est le sujet de son activité. Ce faisant, et se montrant ainsi, dans cette conjonction/disjonction entre sujets traditionnels et moyens triviaux, le travail de l’artiste courrait le risque d’aboutir à ce qui, pour lui, aurait valeur d’absolu paradoxe : tomber dans une forme de correction idéologique moderniste. En usant – visiblement – de moyens non traditionnels, il offrait à qui le souhaitait une sorte de garantie contre les éventuelles dérives vers un « retour à l’ordre » que ce goût aurait pu induire. Une sorte de preuve aisément repérable du fait qu’il était capable de maintenir vivante l’histoire de la peinture sans tomber ni dans les naïvetés de la table rase ni dans les dérives du « c’était mieux avant ».
Mais aujourd’hui Pierre Buraglio peint : et, cela, de la façon la plus apparemment traditionnelle, comme un « peintre avec pinceaux ». Et ce changement – à mon sens un très considérable bouleversement dans l’histoire de son travail – a pour conséquence immédiate de perturber précisément ceux que les habitudes de regard rassurent. Ici, où est la critique en acte ? Comment se voit-elle ? Est-elle seulement encore présente ou faut-il craindre que cette entrée en peinture soit le signe d’un retour à ? Quelque chose de l’ordre de l’adhésion se substituant à cette méfiance qui avait été si longtemps sa ligne de cheminement ? Autant de questions qui seraient bien secondaires si elles ne traduisaient que l’inquiétude de celui qui écrit ce texte et qui – pour ce faire – se voit dans l’obligation (salvatrice) de sortir des ornières dans lesquelles son propre travail critique sur l’œuvre antérieur de Pierre Buraglio risque de l’enfermer. Questions centrales, néanmoins, dès lors que l’on prend conscience du fait que cette perturbation du regardeur est l’indice d’une mise en danger plus radicale : celle que l’artiste accomplit, si l’on peut dire, pour son propre compte. Car, en mettant ainsi à mal les habitudes de ceux qui regardent son travail, Buraglio accomplit un geste dans lequel la persistance vient s’entrelacer à la rupture.
Persistance, tout d’abord, car cette façon de refuser le confort, de casser le moule dès lors que celui-ci devient l’outil de production d’effets séduisants, nous ramène à l’une des caractéristiques majeures de son travail, et du rapport qu’il entretient avec son regardeur : sa déceptivité’. Terme qui renvoie tant à sa pratique économe en moyens et en effets (l’art de Buraglio est à cet égard à l’opposé des « Grandes Machines », que l’on désigne par cette expression les grandes peintures du XIXe siècle ou bien encore la recherche actuelle d’un art démonstratif, efficace), ce qu’il appelle le principe « Distance-Silence », qu’à cette façon qu’il a, singulièrement, d’arrêter une pratique dès lors que celle-ci menace de faire style. Il suffit, pour comprendre cela, de songer au fait qu’il a arrêté il y a longtemps déjà de faire ces Fenêtres qui ont tant contribué à sa notoriété, alors que, s’il avait sacrifié à la manière moderniste en perpétuant cet ensemble sous forme de variantes et de répétitions, il aurait, sans doute, bénéficié d’une autre forme de carrière.
Extrait du texte de Pierre Wat catalogue Avec qui ? à propos de qui ? – Musée de Lyon 2004 – Commissaire de l’exposition : Christian Briend

Visuels du diaporama:

D’après… Rubens 2003 Crayons glasochromes rouge et bleu sur papier calque 65 x 50cm Coll. particulière
D’après… J.F Millet (Portrait d’un officier de marine) Crayon, crayons de couleur, découpage 10 5x 53,5cm
D’après… Honoré Daumier (Les parlementaires) Montages lithographique, atelier Claude Buraglio-PessioneÉditions Catherine Putman
D’après… Auguste Ravier (Les deux pins parasols) Dytique peinture à l’huile sur contreplaqué 59 x 52cm Coll. particulière 2002-2003
D’après… Auguste Ravier (Les deux pins parasols) Dytique peinture à l’huile sur contreplaqué 59 x 52cm Coll. particulière 2002-200
D’après… Auguste Ravier (Les deux pins parasols) Dytique peinture sur papier 86 x 64,5cm Coll. particulière 2002-2003
D’après… Buste de Pan en forme de terme fusain, découpage 68 x 117cm Coll. particulière 2003
D’après… Zurbarán (Saint François) peinture à l’huile sur porte 204 x 73cm Coll. particulière 2003
D’après… Durër (Etude de draperie crayon, crayons de couleur, sur calque, découpage 12,5 x 64cm, 2003
Variations sur le Fauteuil Rocaille (Matisse) craie grasse, découpage, agrafages – 65 x 49,5cm 1980. Coll. Centre G. Pompidou / centre création industrielle
Variations sur le Fauteuil Rocaille (Matisse) fusain tendre sur papier quadrillé – 65 x 49,5cm 1980. Coll. Centre G. Pompidou /centre création industrielle
Autour de… Georges Michel. Peinture, réemploi, camouflage, cadre tronqué 48 x 43cm, 2002
Baigneur d’après Cézanne. 200 x 84cm Peinture sur porte en 2 parties, 2001 Photo Losi
Baigneur 203 x 73cm. Peinture sur porte sous altuglass. Coll particulière.1996 Photo Losi
Duo-baignaur Sainte Victoire. 205 x 83cm x 72x 91,5 Gouache, crayon de couleur sur porte, toile dans châssis de sérigraphie, 1997 Photo Losi
Baigneur sur porte
Etude d’après Cézanne un baigneur. 89 x 49,5. Peinture sur bois, métal. Coll particulière (Suisse). Photo Losi
Autour… d’Alfred Sysley Réemploi, peinture 33 x 38,5cm, 2003
Avec Courbet 2002 -Variations sérigraphie (III/12) et cadre de sérigraphie 37 x 54cm, 2002 Atelier Seydoux imprimeur
Avec Courbet 2002 -Variations sérigraphie (VI/12) et cadre de sérigraphie 37,5 x 50cm, 2002 Atelier Seydoux imprimeur
D’après Vanité de Philippe de Champaigne, peinture, découpage, collage 46 x 56cm, 1998
Baigneur Barneville bâton à l’huile sur porte tronquée 88 x 83,5cm, 1998
D’après…Pierro Della Franscesca. Bâton à l’huile sur porte tronquée 94,5 x 82,5, 2001
Baigneur Barneville 1997-1998

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« Avec … Jacques Callot », Lithographie C. Buraglio-Pessione. et agrafage 65 x 50 cm 4 variations.

« Avec … Jacques Callot », Lithographie (atelierC. Buraglio-Pessione), et agrafes, 65 x 50 cm – 4 variations, 2012.



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